Alternative au bois de chauffage, formidable source de paillage, isolant pour la maison, épurateur naturel : le miscanthus cumule les bons points. Son problème ? Personne ne le connaît. On s’offre un tour de cette touffe agro- écologique en cinq questions ?

Est-ce parce qu’il porte encore un obscur nom latin ? En tout cas, le miscanthus n’a toujours pas connu son heure de gloire en France. À la Compostière de Montremond, au sud de Lyon, Loïs Point croit mordicus à l’avenir de cette culture. Mais il y va prudemment, car la filière traîne à se constituer alors que le potentiel est considérable au regard des enjeux écologiques actuels.
Qu’est-ce que le miscanthus ?
Il ressemble à la canne à sucre ou au roseau. Élancé et gracieux, il plie mais ne rompt pas. Même en hiver sous 30 cm de neige. Originellement, c’est une plante invasive : elle se propage par ses rhizomes. Il en existe près de 20 variétés. Mais la seule que l’on cultive chez nous est un hybride, le miscanthus x giganteus. Elle a été rendue stérile, donc elle ne prolifère pas comme ses cousins, rassure Loïs Point, un jeune agriculteur isérois qui s’y intéresse depuis presque dix ans. Originaire du Japon, elle est importé au Danemark dès 1935. En France, il faut attendre 1990 pour apercevoir les premières boutures !

Comment se cultive-t-il ?
Le miscanthus est une plante dite pérenne : il se plante une fois pour 20 à 25 ans. Sa densité est importante et intéressante : 12 000 à 15 000 pieds par hectare. Il grandit jusqu’à 3-4 mètres de hauteur et se récolte vers la mi-avril, quand il est sec. En tant que graminée, il ne sera jamais contre un bon arrosage. Mais le miscanthus résiste sans problème à la déshydratation et peut largement s’épanouir sur des sols caillouteux, argileux, sablonneux…
Le lancement d’une exploitation n’est pas sans risque car elle coûte cher : environ 3500 euros par hectare de rhizomes. Surtout, elle exige beaucoup de rigueur face aux mauvaises herbes. On a par exemple des gros soucis avec la renouée du Japon par ici, explique Loïs Point, une saleté qui détruit les berges.
Loïs Point est un pionnier dans sa région, et il reste le seul sous ces latitudes sèches. Pour essayer, il a octroyé 1,3 ha à cette nouvelle culture en 2008. L’expérience se révèle concluante. Aujourd’hui, les herbes folles s’étendent sur 8,5 ha. L’offre est là, maintenant, j’attends la demande, dit-il. Car le miscanthus n’a pas encore trouvé ses débouchés commerciaux. Cette culture, qu’il développe en parallèle de son activité de compost, reste très marginale dans son chiffre d’affaires.

À quoi sert-il ?
Loïs Point distingue cinq utilisations.
– Le chauffage
C’est de très loin la principale utilité : les deux-tiers des surfaces en France y sont consacrées. En tant que biomasse (source d’énergie végétale), le miscanthus est une excellente alternative écologique et économique au bois car son pouvoir calorifique est bien supérieur : 4700 kWh/tonne contre 3300. Son taux d’humidité est bien plus faible. Le problème, c’est qu’il demande des chaudières spécifiques qui montent plus haut en température. De plus, sa teneur en silicium peut générer des bouchons dans la cheminée. Enfin, le miscanthus produit plus de cendre que le bois. Autant de freins à son développement, surtout pour les particuliers. Comme combustible, il est plutôt intéressant pour les centrales thermiques.
– Le paillage horticole
Le paillage permet de garder l’humidité et de préserver la vie microbienne du sous-sol. Cette fois, le silicium est un avantage, car c’est un anti-stressant naturel pour les plantes, argumente Loïs Point. C’est par exemple très bon pour les rosiers. Ça augmente la rigidité des tiges et des épines. Autre bon point : le miscanthus présente un pH neutre, et représente une bonne alternative à l’écorce de pin qui acidifie le sol.
– La litière animale
Le miscanthus est une véritable éponge : par exemple, il capte très bien l’humidité d’un box de cheval. Et il ne créé pas de bouchons intestinaux à l’animal lorsqu’il est ingéré, à l’inverse de la paille.
– Un complément alimentaire pour les bovins
Il permettrait une meilleure ingestion du fourrage et d’optimiser les rations alimentaires. Pour l’heure, un seul producteur exploite de façon significative cette vertu du miscanthus. Des éleveurs anglais ont noté une amélioration de la qualité du lait.
– Un important potentiel industriel à confirmer
Le miscanthus n’a pas encore révélé tous ses secrets et les instituts de recherches sont au taquet. Premier débouché assuré : devenir un biocarburant de 2e génération, encore plus raffiné, et surtout plus rentable car, grâce à sa cellulose, toute la plante pourrait servir contrairement au blé (biodiesel) ou au colza (éthanol) dont seules les graines sont utilisées. Débouchés aussi dans le bâtiment. Un cimentier a déposé un brevet pour du béton de miscanthus, à l’instar du béton de chanvre. C’est un excellent isolant. Le miscanthus est également incorporé dans certains bioplastiques.

Quels avantages naturels ?
Le premier, c’est que cette culture ne nécessite quasiment aucun intrant, excepté la première année (voire la deuxième), quand les adventices menacent sérieusement de l’étouffer. Et encore, c’est 4 à 5 kg par hectare maximum de produit dilué, ajoute Loïs Point. Ce qui en fait une culture particulièrement propre. Ensuite, le mulch formé au sol à partir des feuilles mortes construit un paillage naturel contre les herbes nuisibles. Et multiplie d’autres intérêts : il protège la biodiversité ainsi que l’érosion du sol ; il recycle facilement de l’azote, et donc rend inutile tout ajout de fertilisant.
Deuxième atout : son système racinaire très dense est capable d’absorber les métaux lourds, à l’instar du roseau en station d’épuration. Idéal pour tous les captages d’eau, touchés par l’infiltration de nitrates, de pesticides ou de coulées de boue. Loïs Point se fait fort de planter son miscanthus en zone de captage.
Enfin, pour l’agriculteur, le coût de production à terme est faible, bien plus en tout cas que le maïs. L’amortissement survient au bout de sept ans, et l’entretien est quasi nul. Le miscanthus ne connaît pas encore de ravageurs.

Pourquoi est-il si peu cultivé en France ?
Dans l’Hexagone, le développement du miscanthus est atone. Il se concentre essentiellement dans le nord de la France, et avoisine les 4000 ha en 2015… contre plus de 17 000 en Angleterre.
Une des difficultés, c’est de convaincre les agriculteurs et les élus locaux de planter en zone de captage, là où il est vraiment utile. Ils ont peur de l’invasivité, que ça pollue les cours d’eau. On leur prouve qu’il n’y aucun risque. Les collectivités commencent à s’y intéresser, poursuit Loïs Point, qui reste patient, sûr de l’avenir de cette plante. Le véritable souci, c’est qu’il faut attendre que la filière commerciale se développe, pour ne pas se retrouver avec des stocks inutiles de miscanthus. Bref, le cercle vertueux du miscanthus ne se réalise pas.
Pourquoi cet avenir, principalement industriel, tarde-il tant à se faire sentir ? La faute à la recherche ? Contacté, l’Inra, qui a effectivement le nez dans les pousses de miscanthus depuis 2006, se dédouane : Contrairement aux plantes qu’on a l’habitude de cultiver en France et pour lesquelles les filières se sont établies sur de nombreuses décennies, le miscanthus nécessite de constituer des filières de novo : tout est à créer de A à Z, explique Maryse Brancourt, directrice de recherche sur le miscanthus. Tout cela demande du temps. Mais la partie recherche du projet Futurol [bioéthanol 2e génération] s’est finalisée l’année dernière, et le projet Biomasse pour le Futur le sera d’ici 2020. Après, cela dépasse le cadre de la recherche. Ce sera aussi une question d’intérêt conjoint des industriels et des agriculteurs, voire une question de volonté du citoyen et des politiques.
Bonjour,
effectivement, comme déjà mentionné, cette plante comporte de forts risques d’invasivité, risque qui n’est pas à prendre à la légère (les espèces invasives sont à l’origine de la dégradation de milieux naturels et une des plus fortes causes de disparition de la biodiversité). Bien que le Miscanthus utilisé soit garanti être un hybride stérile, il peut y avoir des mélanges avec des espèces parentes invasives, ce qui a été plusieurs fois constaté notamment en Alsace. Il faut donc faire bien attention à l’origine du Miscanthus que vous achetez, et choisir du Miscanthus « garanti » x giganteus pour se prémunir de tout risque!
Il ne faut surtout pas le planter à proximité des cours d’eau pour éviter le transport de rhizomes par l’eau.
Autrement, cette plante peut être utile en tant que bande enherbées permettant de stopper d’éventuelles coulées d’eau boueuse dans les champs.
A terme, la désimplantation doit être faire de manière très minutieuse.
En Polynesie française cette plante – ou du moins une de ces formes – est considérée comme invasive et ce n’est pas un vain mot. le bétail n’en veut pas ( elle a pourtant été importée pour lui à titre de fourrage) elle colonise toutes les cultures elle étouffe ce qu’il y a en dessous … les rhizomes sont très très très puissants et il est difficile de les éliminer donc cela explique peut-être le scepticisme des gens à vouloir l’exploiter ?
Merci, pour cet article. Je connaissais le miscanthus comme paillage et litière pour les animaux, et je suis ravie d’en apprendre plus sur ce roseau.
Pour la dépollution, une petite question : il fixe les métaux lourds, c’est chouette, mais ensuite qu’est-ce qu’on en fait du miscanthus plein de métaux lourds ou bien est-ce qu’ils disparaissent / sont transformés dans le processus d’absorption ?
Beaucoup d’utilisations possibles pour cette plante !
Savez-vous s’il est possible de l’utiliser en construction de maison, en remplacement de la paille ? Quels seraient les avantages et les inconvénients ?
Merci de votre réponse =)
Bonjour,
Oui j’avais bien lu qu’il existe du béton, mais pour la paille on ne l’utilise pas sous cette forme et ma question était donc de savoir si le miscanthus peut s’utiliser sous forme sèche, sans être forcément sous forme de béton ?
Merci de votre réponse en tout cas,
Fanny.
Bonjour Fanny,
Merci pour cette question. Oui, il existe en effet du béton de miscanthus. Mais le concept n’est pas encore très développé
Un article utile pour moi qui travaille avec des élèves de seconde sur les energies du futur. Un exemple concret pour l’énergie de la biomasse…..J’espère vivement que la rentabilité economique ne sera pas trop longue à venir pour Loïs Point !
Merci pour vos articles
bonjour,
ll me semble intéressant de préciser que cette plante est une bonne cache à sangliers et leurs dégâts dans les cultures.
d’autre par c’est une mono culture pour 20 an. Personne ne sait comment démonter cette culture.
Pour la biodiversité, il faut être un peu naïf de le croire puisque c’est une mono culture.
Il existe les possibilités de ce types avec les pailles de céréale proche du miscanthus tout en évitant la monoculture.Par contre ces orientations ne sont pas étudiées même si les possibilités diverses sont connues depuis longtemps
cordialement
Bonjour
Peut on avoir les coordonnées de ce producteur. J’ai un micro jardin que je paille avec du lin. Est_ce un équivalent ? Est-ce meilleur ?peut-on faire pousser cette plante dans un jardin?
Merci de votre réponse.
Et bravo pour ce magazine que je lis avec attention.
Super intéressant, je découvre ! Pour son utilisation en tant que litière chez les chevaux, comment le composter ensuite ? Peut-il être épandu comme le fumier de paille ?
En tant que particulier, peut-on s’en procurer ?
Merci d’avance
BONJOUR A TOUS,
Il est aussi produit depuis quelques annees (miscanthus gigantus) par un producteur dans l’Eure a Tilly a la ferme des Ruelles. Il produit du cidre et a une demarche ecologique.
Bonjour Camille,
Merci pour votre commentaire. Oui, les particuliers peuvent s’en procurer, mais sûrement pas partout. Peut-être qu’en appelant la Compostière de Montremond, vous pourrez en savoir plus 🙂